Pour ces prochaines élections municipales qui auront lieu en mars 2020, il se dit qu’un maire sur deux ne briguera pas un nouveau mandat : et ce n’est certainement pas un hasard ! Le contexte politique, économique et social explique bien des choses. Mais pas seulement ! Car, il faut bien le reconnaitre, la décision n’est pas facile à prendre.

L’Esplanade Thérèse : début de la reconfiguration du centre bourg de Carbon-Blanc

Quand on fait de la politique, on se pare d’une carapace. Il est difficile de partager ses doutes et ses interrogations. Et pourtant… ils existent.

Etre maire aujourd’hui, c’est un job à plein temps, 24 heures sur 24 et 7 jours sur 7.

J’aurai 40 ans dans quelques semaines. Prendre la décision d’un nouvel engagement va impacter ma vie de famille, mes relations amicales, il faut aussi en tenir compte.

Repartir pour un tour, c’est tenter de trouver un impossible équilibre entre maire à plein temps, conjoint à plein temps, ami à plein temps et tenter de conserver une activité professionnelle minime mais qui permet de vivre correctement. J’ajoute à cela mes racines réunionnaises qui perturbent encore plus l’équation. Ma terre natale me manque. Ma famille me manque. 

Si on ajoute à ce périmètre personnel, la perception générale des élus par nos concitoyens, il y a matière à se poser des questions.  

Lors des derniers grands débats que nous avons organisés à Carbon-Blanc, j’ai dû me cramponner à ma chaise pour ne pas intervenir en entendant certaines réflexions concernant les salaires mirobolants des élus locaux qui fixeraient eux-mêmes leurs indemnités ! Chaque mois, je perçois 1421 € nets pour gérer une commune de plus de 8000 habitants avec un budget de plus de 10 millions d’euros, 150 agents qui y travaillent et 1342 € nets pour gérer la politique numérique de Bordeaux Métropole, qui couvre 28 communes et 800 000 habitants, 42 millions d’euros de budget et 263 agents. Ajoutez à cela ma responsabilité pénale à chaque document que je signe ! Un peu plus de 2700 € par mois, pour être mobilisable à toute heure du jour et de la nuit. Une semaine avec moins de 40 heures de travail consacrées à mes missions d’élus, c’est rare, très rare.

Même, si la passion pour la ville de Carbon-Blanc est toujours forte, même si tous les efforts consentis par toutes et tous appellent des résultats spectaculaires, même si je rêve de voir se réaliser le projet urbain engagé et sortir de terre ces deux nouvelles écoles, ces nouveaux équipements sportifs, ce centre-bourg reconfiguré; même si je voudrais voir aboutir cette coupe du monde des robots, ce déploiement de la fibre optique, cette métropole intelligible et intelligente, ces aménagements économiques au bénéfice de la Rive Droite, cette mobilité alternative par le rail simplifiant la vie quotidienne de nos administrés ; le choix entre une vie, personnelle et professionnelle, stable et continuer à servir ceux avec qui j’ai tissé ces dernières années un lien si fort n’est pas facile à faire.

J’aime cette relation que j’ai su tisser avec les carbonblanais. J’ai besoin d’être à leur contact. Servir la population de toute une ville est un honneur. Je mesure chaque jour la chance qui est la mienne d’avoir obtenu sa confiance.

J’aime cette relation que j’ai su tisser avec les agents de la ville. J’ai beaucoup appris en travaillant avec eux. Ils ont le service public chevillé au corps. J’entends parfois ceux qui caricaturent les fonctionnaires et le travail qu’ils réalisent. Durant ces 5 dernières années, j’ai vu des rires, des larmes, j’ai entendu des impatiences, des craintes, j’ai décidé de leur avenir professionnel en concertation avec leur direction. J’ai un profond respect pour ceux qui œuvrent chaque jour pour le bien commun. Ils pèseront aussi dans la décision que j’ai à prendre.

Dernier paramètre de taille à prendre en considération : mon équipe.

On ne part jamais seul dans une telle aventure. Je sais que le rôle de ceux que j’appelle « mes chers collègues » est difficile. Ils œuvrent dans l’ombre. Ils mènent un travail acharné à mes côtés. Ces femmes et ces hommes qui m’entourent comptent beaucoup à mes yeux. Certains sont bénévoles, d’autres très injustement indemnisés, pourtant, ils sont là ! Ils affrontent la mer agitée de la politique locale. Ils supportent les ignominies, les tracts insultants, les propos diffamants, la critique de l’action, toujours plus facile à formuler que mener l’action elle-même. Et, lorsque les projecteurs s’allument, ils ne bénéficient même pas de la lumière. En écrivant ces lignes, je pense à leurs 6 années d’engagement. Sans eux, tout ce qui a été fait et qui reste à faire ne serait pas possible…

Repartir, cela veut dire réussir à mobiliser à nouveau 30 personnes qui devront accepter de s’engager à mes côtés et ce, pour 6 ans. Elles devront, elles aussi, accepter de sacrifier une partie de leur vie personnelle, participer à la vie de la commune, essuyer les critiques et faire fi des attaques mensongères.

A la lecture de ces lignes, vous vous dites peut-être que tout ceci ne donne pas vraiment envie de s’engager dans la vie politique locale. Si je devais utiliser une phrase pour vous convaincre de le faire ce serait : Je ne regrette rien, c’est une aventure unique que je suis heureux de vivre.

Aujourd’hui, ma décision n’est pas prise et je veux prendre le temps nécessaire. Je ne suis pas de ceux qui s’engagent pour abandonner en cours de route. On ne se présente pas à une élection pour démissionner à la première embûche. Si je me lance en 2020 c’est d’abord pour accepter la décision souveraine des Carbonblanais, mener ou participer à un travail collectif au service de l’intérêt général.

Selon un écrivain polonais, « hésiter, c’est déjà prendre une décision ». Pour le moment, j’ai pris la décision d’hésiter. Les choix sont difficiles à faire, mais pour ceux qui me connaissent bien, ils savent que je saurai les assumer le moment venu.