« Quand Paris s’enrhume, l’Europe prend froid », cette citation célèbre d’un homme politique autrichien du 19ème siècle n’a jamais été autant d’actualité. La crise que traverse notre pays depuis plus de 6 mois est une autre forme d’expression de la colère qui résonne à travers l’Europe aujourd’hui. Brexit, Salvini, Orban, Le Pen, le nombre de mots et de noms associés à un sentiment anti-européen se multiplie autour du vieux continent… Nos peuples ne doutent plus, ils sont sûrs que l’Europe dans son fonctionnement actuel ne peut plus, ne doit plus exister. Mais vers quelle Europe devons-nous aller ? Une Europe plus faible ou une Europe plus forte ?

Le 26 mai prochain, il n’y aura qu’un seul tour pour l’élection des députés européens.
Devons-nous considérer l’Europe contemporaine comme un échec ? La réponse est non. L’Europe que nous vivons aujourd’hui est le fruit d’une construction en marchant. Avons-nous commis des erreurs dans l’extension des frontières de l’Europe ? Certainement ! Des pays au modèle social, aux politiques publiques, aux modèles démocratiques différents des nations ouest européennes ont peut-être été intégrés trop rapidement. Il aurait fallu prévoir une intégration à plusieurs échelles. Cela nous aurait permis de traiter la question des travailleurs détachés, des migrations à l’intérieur du continent ou encore de la Politique Agricole Commune d’une manière différente, certainement plus proche de nos réalités quotidiennes. Plus nous éloignons les centres de décision du citoyen plus nous prenons le risque que la perception de ce dernier soit celle d’une technocratie déconnectée des réalités du terrain.
Mais il ne faut pas jeter le bébé avec l’eau du bain ! Exception faite des crises multiples traversées par la zone des Balkans, si nous vivons dans une Europe en Paix depuis la seconde guerre mondiale ; si nous pouvons voyager à travers l’Europe et nous ouvrir à la culture des peuples qui nous entourent ; si nous pouvons commercer librement à l’échelle de tout un continent, c’est d’abord grâce à la construction européenne. Et je ne cite là que quelques exemples de ce qu’elle nous apporte !
Les eurosceptiques ont pourtant un argument de poids pour justifier le désengagement français de l’Europe qu’ils appellent de leur vœu : La somme de ce que nous versons à l’Europe est supérieure à celle qu’elle nous rend ! Sauf que cet argument, qui est vrai, ne tient pas une seule seconde. Est-ce que vous croyez que l’Etat rend aux Français tout l’argent qu’il perçoit ? Et bien non ! Pour la simple et bonne raison qu’il faut a minima rémunérer ceux qui font tourner la boutique. Par contre, si on intègre à ce calcul simpliste ce qui ne peut pas être évalué, la donne change totalement. Sans l’Europe, les frontières nationales ferment à nouveau, il faut donc restaurer les barrières douanières et la richesse nationale doit être diminuée de la part induite par le marché libre européen. Nos entreprises seraient dès lors moins compétitives et devraient licencier massivement. Cet exemple d’argument simpliste suffit à lui seul à démontrer l’état d’esprit dans lequel les candidats eurosceptiques s’enferment : qui veut noyer son chien, l’accuse de la rage. S’il était aussi facile et aussi plaisant de vivre en dehors de l’Europe, le Royaume Uni aurait déjà mis en œuvre le Brexit qu’il a voté il y a 3 ans !
Le désamour de nos concitoyens pour l’institution européenne vient d’un manque d’information chronique – Pour mémoire, TF1, première chaîne française, ne dispose pas de correspondant à Bruxelles – mais aussi du jeu de dupes dans lequel s’installent les responsables politiques nationaux et locaux. En effet, dans leurs prises de paroles médiatiques, beaucoup plus fréquentes que celles des députés européens, les élus nationaux ont la joute verbale facile : ce qui marche, c’est grâce à moi, ce qui ne marche pas c’est à cause de l’Europe ! Qui a déjà vu un président de Région remercier l’Europe pour sa contribution dans une grande infrastructure routière lorsqu’il coupe un ruban ? Pourtant le drapeau aux 12 étoiles apparaît bien sur le panneau d’aménagement, il le voit depuis son estrade ! Mais il ne faudrait pas que l’électeur puisse se dire qu’il doit cet aménagement à quelqu’un d’autre que lui !
Est-ce que l’Europe est perfectible ? oui ! Mais nous n’avons pas besoin de moins d’Europe, nous avons besoin d’une Europe plus forte !




Pascal Canfin, Edouard Philippe et Emmanuelle Wargon lors de leur venue à Libourne le 13 mai 2019.
Le Premier Ministre, Edouard Philippe, lors de sa venue à Libourne le 13 mai dernier a formulé ainsi la question qui se pose à nous : « Est-ce qu’on veut faire renaître l’Europe sur les fondements de sa création ? » La Réponse est indéniablement Oui ! Ce que la construction européenne nous a permis d’obtenir est largement supérieur à ce qu’elle nous a fait perdre ! Parce que je ne nie pas qu’il y ait eu des pertes, je les ai évoquées plus haut, mais la paix qui règne sur notre continent depuis la fin de la seconde guerre mondiale suffit à elle seule pour constituer une base solide à une RENAISSANCE EUROPEENNE.
Plus que jamais, ce scrutin européen doit être celui de l’idée qu’on se fait de l’Europe plus que le visage qui doit l’incarner. Faire le choix de la Renaissance Européenne c’est accepter que certains problèmes ne puissent pas se traiter à l’échelle d’un pays mais bien d’un continent.
La transition écologique doit se penser au niveau européen ! Ce qui a été vrai pour le nuage de Tchernobyl, l’est tout autant pour les gaz à effet de serre. Pour faire face aux mastodontes américains et russes, aux GAFAM (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft), c’est à l’échelle de l’Europe qu’il faut penser. Pour répondre aux risques terroristes et aux conflits internationaux, c’est par la voix d’une défense européenne que nous pourrons nous faire entendre !
C’est en concentrant les efforts européens sur des axes stratégiques comme ceux-là, mais aussi en renforçant les liens entre les citoyens de tous les pays et les institutions européennes que nous ferons renaître un sentiment d’appartenance à l’Europe. Chateaubriand s’interrogeait déjà à son époque en ces termes : “La vieille Europe ; elle ne revivra jamais : La jeune Europe offre-t-elle plus de chances ?” Le 26 mai prochain, il n’y aura qu’un seul tour, ne nous trompons pas de débat ! C’est en faisant renaître l’Europe que nous offrirons à notre jeunesse un avenir meilleur.