Les élections européennes sont derrière nous. J’ai volontairement attendu que les résultats soient connus de tous et que les premières réactions soient digérées avant de livrer ici mon analyse.

Lors du scrutin du 26 mai dernier, l’Europe a été la grande absente du scrutin.
Sur la campagne elle-même, je commencerai par regretter l’absence de débat autour de… L’Europe. Cannibalisés par le phénomène « Gilets jaunes », les médias n’ont pas joué leur rôle pédagogique autour des institutions européennes.
- Qui est le président du Parlement Européen ?
- Qui est le Président de la Commission Européenne ?
- Quelles sont les forces politique en présence au sein du Parlement ?
- Comment sont prises les décisions au sein de la Banque Centrale Européenne ?
- Comment fonctionne l’espace Schengen ?
Avant le scrutin, nos concitoyens ne connaissaient majoritairement pas la réponse à ces questions… Cela ne s’est pas arrangé après ! Le problème, c’est que cette Europe que nous accusons un peu trop facilement d’être à l’origine de nos maux, c’est nous qui la bâtissons par l’expression de notre vote !
Finalement le 26 mai, c’est à un sondage d’opinion que les Français ont répondu. En privilégiant notre petit hexagone, on a oublié l’Europe ! C’est navrant, mais c’est ainsi.
Une fois passé cet amer constat, que devons-nous retenir de ce scrutin ?
Malgré une participation en hausse, les résultats des élections européennes ont marqué, un peu plus encore, une inquiétante bipolarisation de notre vie politique teintée d’une conscience écologique qui a surpris tous les éditorialistes.
Même si une partie de son discours européen a évolué, le Rassemblement National a développé sa politique populiste, anti-migratoire, avec un hypothétique calcul d’une monnaie européenne basée sur l’économie dite réelle et une large révision des traités européens.
Son score, de plus de 23%, en stagnation depuis 2014, lui a tout de même permis de virer en tête, suivi de près par la République en Marche, et ce malgré une campagne peu convaincante, parce que finalement peu lisible.
La forte poussée des écologistes, l’éclatement de la Gauche traditionnelle, le spectaculaire effritement des Républicains comme celui de La France Insoumise ont également marqué ces résultats. Ce dernier constat montre également qu’il ne suffit pas de brosser les électeurs dans le sens du poil pour obtenir leur suffrage.
Conséquence européenne de ce scrutin, avec 23 sièges obtenus, autant que pour le Rassemblement National, les élus « marcheurs » participeront à une force centrale d’un futur parti libéral au sein du Parlement Européen.
Mais le fait le plus problématique de ces élections réside moins dans leurs résultats que dans la terrible absence de débat. Un vrai débat qui aurait permis de fixer les enjeux, de définir les indispensables réformes à mettre en place et surtout à dessiner les contours souhaités pour cette nouvelle composition européenne.
Oubliées la police, l’armée et la justice européennes. Oubliée la diplomatie commune face à certains conflits. Oubliés les grands enjeux économiques face aux 3 géants : américain, russe et chinois. Oublié l’humain qui devra slalomer entre réglementation européenne et nationale en espérant ne pas se perdre dans ce dédale.
C’est décidément une constante française qui agace ! On pense Europe, mais on parle France. On pense décentralisation, mais on parle jacobin ! A 9 mois des échéances municipales, il y a de quoi s’inquiéter. Parce qu’il ne faut pas se mentir ; tous les analystes politiques ont voulu voir dans ce scrutin un indicateur des élections locales de 2020. C’est une erreur.
C’est une erreur, parce que l’élection municipale est comme celle du Président de la République, la rencontre d’une femme ou d’un homme avec ses concitoyens, ce qui place les maires à portée d’engueulade.
C’est une erreur, parce que le poids de l’étiquette est mineur dans les élections locales.
C’est une erreur, parce qu’en voulant nationaliser le débat européen et le débat municipal, on finit par décrédibiliser le choix politique de nos concitoyens en le résumant à un seul vote pour ou contre le Président de la République.
Les seules leçons locales, s’il fallait en tirer, du dernier scrutin, c’est d’abord la capacité toujours surprenante des élus locaux à s’adapter à l’expression de nos concitoyens, parfois au mépris de la cohérence qui devrait gouverner leur choix. Finalement, la débâcle annoncée pour la République en Marche ne s’est pas produite… Dès lors, le mouvement retrouve de la splendeur aux yeux de ceux qui le pourfendaient il y a encore quelques jours, d’autres préfèrent résumer ainsi leur étiquette dorénavant : « Mon seul parti, c’est ma ville ».
L’autre enseignement local et propre à notre département et à notre agglomération c’est la traduction dans les urnes du rejet du fait métropolitain. En concentrant les pouvoirs de décision entre les mains d’une administration éloignée des réalités des territoires ; en faisant le choix d’une urbanité qui repousse les plus fragiles jusqu’à leur interdire l’accès à la ville par une pseudo conscience écologique au mépris de ceux qui n’ont pas les moyens d’en avoir une ; en continuant à favoriser toujours les mêmes territoires aux dépens des nouveaux foyers de peuplement, ceux qui s’acharnent dans cette voie participent à l’ancrage de l’extrême droite dans le monde rural. Ancrage qui tend à se développer sur la rive droite de Bordeaux Métropole. C’est en réalité ce dernier point qui m’inquiète le plus.
Il devient urgent de proposer à nos concitoyens des solutions de mobilité qui permettent à ceux qui ne peuvent plus vivre en ville de continuer à y travailler. Nous devons accepter de partager le développement économique avec la Rive Droite afin de rapprocher les emplois des nouveaux foyers de résidence. Enfin il devient urgent de déconcentrer l’administration métropolitaine pour remettre le lien nécessaire entre les centres de décision et les citoyens. Ce diagnostic sommaire, qui est loin d’être exhaustif, pose également clairement la question de la gouvernance de nos institutions locales. La Présidence de Patrick Bobet aura eu le mérite, entre autres, de démontrer que le fonctionnement métropolitain s’améliore dans les territoires lorsque les décisions ne se concentrent pas autour d’une seule personne. Le futur Maire de Bordeaux, qui qu’elle ou qu’il soit, doit accepter de ne pas être l’alpha et l’oméga des politiques locales. Le temps des baronnies est révolu. Les électeurs nous l’ont crié le 26 mai dernier, saurons-nous les entendre ?